DU 11 AU 19
OCTOBRE
2014
VERNISSAGE LE VENDREDI 10 OCTOBRE DE 19H À 21H


« C’est parfois grand, parfois petit. C’est souvent trop. Souvent parfois pas grand chose. Le temps me manque et me manquera, comme d’habitude. Disons que tout est relatif. Il a fallu sacrifier. Il faut toujours sacrifier. Toujours. Il y a dans mon travail quelque chose qui se passe entre l’utopie de l’exhaustivité, l’utopie d’une action sur le monde et un désir, une envie d’enlever, de soustraire, d’ôter, de réduire, de concentrer, de se retirer, de faire silence, pourquoi pas de faire beauté ».
Adrien Lamm
Lieu et date inconnus
Avant-propos sans propos
Ceci n’est pas un avant-propos : il est "avant" géographiquement, mais il n’est assurément pas un "propos".
En effet, l'avant-propos est bien souvent un prétexte (quasi)académique pour parler d’une chose; une initiation préliminaire à un concept : une sorte de justification de sa condition de possibilité. Mais faut-il un prétexte
pour parler d’art ? Plus encore : faut-il parler d’art en guise d’avant-propos si l'art, pris dans sa forme concrète, l'art d'Adrien Lamm, résiste à toute conceptualisation comme il résiste au degré abusif de l’abstraction? Autrement dit, si l'art dont on parle se veut sans et au delà du concept ? L’art, comme le pratique Adrien Lamm, ne s’incarne ni dans l’œuvre, ni dans l’objet qu'il produit. L’art d’Adrien Lamm est d’abord un rapport au monde, un rapport très intime puisqu’il met en question l’attitude même envers le quotidien. Ainsi, son art revient
aux racines de ce que l’on appelle l’art, à savoir une tekhne, une pratique. Pratiquer l’art, c’est fabriquer
en devenant un artisan qui ne se met pas sur un piédestal d’artiste-démiurge ; pratiquer l’art, c’est se salir,
être humble et ne s’aliéner ni au monde ni à une chose fabriquée. C’est faire un geste critique : reconsidérer les rapports au monde existants et les déconstruire, les déshabiller. Enfin, pratiquer l'art, c'est retrouver l'innocence du regard, mais une innocence telle qu'elle ne peut être retrouvée qu'à la fin d'un long chemin :
il faut d'abord passer par toutes les étapes d'un travail déconstructif et critique : "We shall not cease from exploration / And the end of all our exploring / Will be to arrive where we started / And know the place for the first time". Savoir le lieu pour la première fois, c'est revenir à l'innocence et à une certaine pureté du regard, c'est réapprendre à voir une chose dans son immédiateté même.
L'art d'Adrien Lamm est un jeu, mais un jeu sérieux car engagé : créer et détruire, remonter et descendre.
C’est pourquoi il se nourrit de l'image de la montagne, qui incarne le désir d’aller jusqu’au bout dans la critique artistique qu'il entreprend, le désir de remonter jusqu’au sommet. Pourtant, la montagne représente également un mouvement paradoxal et contradictoire : fabriquer une montagne, c’est incarner le grand dans le petit,
c’est remonter, mais (dans une certaine mesure) en descendant, c'est-à-dire en restant "fidèle à la terre",
pour reprendre une tournure nietzschéenne. Pourtant, à propos de Nietzsche... mais non, ça commence
à devenir trop conceptuel. Surtout pour l'art sans et au delà du concept d’Adrien Lamm.
Elena Sorokina
Paris 2014


Tentative autobiographique
à la troisième personne
Adrien LAMM naît à Paris en 1977. Il veut d’abord être anthropo- logue, puis astrophysicien, disons qu’il a vraisemblablement le besoin d’essayer de comprendre comment le monde et les choses fonctionnent.
Finalement il étudie la philosophie et se tourne ensuite vers l’art, avec la ferme volonté d’y trouver un rapport plus concret au Réel. Pour cela il part vivre 8 ans à Strasbourg, où il étudie à l‘Ecole des Arts Décoratifs.
Même si les problématiques du langage et de l’expression (qu’elle soit verbale, visuelle ou spatiale) reviennent régulièrement en sous main dans les œuvres, ces dernières maintiennent une relation avec l’objet, la sculpture traditionnelle et contemporaine et continuent d’en questionner les enjeux, d’en engager le dialogue, les contradictions et les qualités, dans une tentative d’user sans complexe de leurs apports respectifs. Prenant acte de la dérive relative du paradigme des avant-gardes, dans le monde tel qu’il se dessine, il en a déduit qu’une reformulation était nécessaire. Pour se faire, un usage pragmatique et pourtant vivant, buissonnier mais pourtant sérieux, singulier et néanmoins informé de l’histoire des arts (1) lui semble autorisé, et peut-être même souhaitable.
L’activité régulière et continuée de dessin qui constitue une part importante du travail s’articule actuellement autour de deux axes principaux: la recherche picturale pour elle-même d’un côté et de l’autre ce qu’on pourrait appeler succinctement le dessin de projet.


Les dessins de la première catégorie travaillent avec les questions relatives à la frontalité de l’image et à ses ramifications formelles et historiques, tout en faisant place à une interrogation première (qu’on pourrait dire en ce sens naïve) sur le plaisir, la beauté et l’activité comme usage opérant, presque méditatif du temps et de l’espace.
Ceux de la seconde catégorie déconstruisent et articulent les activités de schématisation, de notation et de réflexion par et avec le signe écrit et dessiné. Enjeux de didactique, recherche de systèmes de représentation et questionnements autour des activités humaines de symbolisation et d’expression. Cela se déroule le plus souvent autour des projets de théorisations fictionnelles et/ou plus savantes, et surtout des projets de sculptures et d’installations (que les questions abordées soient esthétiques, poétiques ou politiques et historiques).
Les enjeux du temps existentiel ainsi que ceux de la temporalité de la création, au sens des conditions concrètes et réelles voir sociopolitiques de la production et de la diffusion des œuvres prennent ici tous leur sens. On y aborde, sans en avoir véritablement le choix, le décalage, la «différance» temporelle de la trace (de la notation) de la pensée et de la fabrication concrète. Questions de «Processus» même s’il arrive heureusement parfois que le «faire» rende ce décalage aveugle et imperceptible.
A.L
juillet/septembre 2014
(1) L’histoire des arts est ici pris dans son sens extensif, qui comprend les arts préhistoriques, les arts premiers et traditionnels, arts bruts, ainsi que les artisanats et pratiques manuelles.

AU LOIN AU LOIN LE LAIT DE LA BRUME LES MONTAGNES DES FALAISES DE MELANCOLIE
LE SANG EPAIS NOIR QUI FAIT SPLASH
TES PETITS PAS SI LOIN SI LOIN
On verra bien si on peut se manger l’Everest au 4 heures.
De là à ce qu’on perde une jambe, un pied, un doigt ou autre chose sur la route...
A la fin il n’est pas dit qu’il n’y aura pas, cependant, notre gâteau d’anniversaire,
posé tranquillement sur une table, pour nous restaurer du voyage, au cas où.
Qu’est-ce qu’être à l’état de chose ? Est-ce que c’est quelque chose de plus qu’un obscur tour de passe-passe de vocabulaire ?
Est-ce qu’il y aurait une, des formes particulières pour cet état indécidable, pour ce mot là ?
Est-ce vraiment différent de fabriquer une chose ou de fabriquer un objet ?
Et qu’est-ce que ça à voir avec la représentation qu’on se fait de ce dernier ou avec le type de représentation
qu’on produira concrètement in fine ? Est-ce que ça changera vraiment quelque chose ?
En ce qui concerne le corps et les corps, ce qu’on sait, pour l’instant, c’est que quand ils sont là, eh bien ils pèsent.
Ce qui ne les empêche pas de rester parfois à l’état de souvenirs ou encore de fantasmes.
Adrien LAMM
Le 17 mai 2014








